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Une femme atteinte d'un cancer discute sexualité avec son mariarticle

Cancer et sexualité : peur et conséquences physiques, il faut en parler !  

Publié le 21/02/2023 - par Equipe Ma Boussole | 8 min de lecture

La maladie implique parfois des transformations physiques qui vont bouleverser le désir sexuel du partenaire de la personne malade, et les repères du couple avec. Comment expliquer cette réaction, se faire aider et réagir ? 

Vivre auprès d'un proche très malade peut complexifier les liens du couple. Les transformations physiques que le cancer peut engendrer (qu'elles se fassent de façon brutale ou progressive) sont susceptibles de venir bouleverser les repères du couple. Des perturbations qui peuvent avoir pour conséquence une baisse du désir sexuel chez le conjoint de la personne malade.

Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut faire le point sur la vie intime du couple avant et après la maladie. Il arrive que la maladie soit un prétexte pour mettre un terme à une sexualité qui battait déjà de l'aile. Il faut être conscient que le désir sexuel et son intensité sont très liés aux circonstances et aux épreuves qui viennent jalonner la vie du couple. Les transformations physiques peuvent amener le conjoint à ne plus reconnaître la personne aimée dont le corps est malmené, perçu comme mutilé. Ce n'est pas parce que le compagnon peut ressentir une certaine réticence à regarder ou à toucher ce corps bouleversé que l'amour n'est plus présent dans le couple.  

La honte de ressentir du désir alors que l’autre va mal 

“Ce que sous-tend la transformation physique est rarement le changement d'apparence en lui-même. Il s'agit plutôt de l'image qu'il renvoie, à savoir le plus souvent, celle de la peur”, explique Sébastien Landry. Pour ce psycho-sexologue spécialisé en onco-sexologie, la peur de faire mal, la peur de mal faire, mais aussi la peur de dire : “Moi, j’ai envie alors qu’il/elle va mal”, peuvent bouleverser la libido partenaire. 

Ce spécialiste propose des consultations individuelles ou en couple pour patient traité pour un cancer et qui sont confrontés à des problèmes d'ordre sexuel, affectif ou relationnel liés à la maladie et au traitement. Il développe : “récemment, j'ai reçu une patiente qui était en chimiothérapie, dont le corps avait énormément changé et dont le compagnon était victime de troubles de la sexualité. En discutant avec lui, je me suis rendu compte qu'il avait des troubles de la sexualité parce qu’il pensait que sa compagne se forçait pour lui faire plaisir. Il avait peur de lui faire du mal, de la fatiguer dans le rapport sexuel. La transformation physique a été telle et si rapide que, pour lui, cela signifiait forcément qu’elle était au plus mal et que ce n’était pas envisageable de penser à avoir une vie sexuelle”. 

Cancer rejet du conjoint : peur de la maladie et de la mort 

Derrière la maladie, vient également souvent se superposer l'idée de mort. “Faire l’amour est de l’ordre du vivant, or l’envie est barrée par l’idée de mort qui vient souvent à l’annonce d’un diagnostic de maladie", explique Michèle Guimelchain-Bonnet, psychologue et psychanalyste, animatrice de l’émission La parole aux aidants sur la radio Vivre FM. Une idée qui peut évidemment affecter la personne malade, mais aussi son conjoint. Ce que détaille Sébastien Landry. “Il est très difficile d’être le conjoint d’une personne malade. Tout le monde vous appelle pour savoir comment va la personne malade, mais on vous pose rarement la question. L’aidant n’a pas le droit de craquer, il doit être là solide, alors qu’il a peur de perdre le compagnon de sa vie, ce qui joue forcément sur la libido. Il faut être bienveillant avec soi-même. On peut ne plus avoir de pulsion sexuelle à cause de la proximité de la maladie. Cela montre que l’on est investi, contrairement à ce que la personne malade pourrait a priori penser”

L’idée de contagion peut aussi expliquer l’absence de désir. Et si la maladie pouvait se transmettre par le corps à corps ? Pour Michèle Guimelchain-Bonnet, "c’est une idée inconsciente bien sûr. La relation intime, les corps qui s’interpénètrent, peut être vécue comme une aspiration. J’ai connu un couple qui s’aimait très fort, avait de nombreux rapports sexuels avant que le diagnostic de cancer de l’utérus ne soit posé. Le jour où la femme a été malade, son mari a cessé totalement de la toucher. Cela ne l’a pas empêché de l’accompagner jusqu’au bout. Ce n’était pas l’amour qui était à remettre en question, mais la vie sexuelle n’était plus possible. Sa femme m’a dit un jour : c’est comme s’il avait peur de mon ventre”. 

Rester un couple malgré la maladie 

Difficile parfois quand la maladie survient de ne pas bouleverser les rôles et la place de chacun dans la relation amoureuse. Il arrive que la personne malade ne puisse plus faire sa toilette intime et ses soins corporels toute seule, amenant son partenaire à l’aider dans ces tâches qu’elle ne peut plus effectuer de façon autonome. Le partenaire peut être alors amené à adopter un rôle d'infirmier ou une attitude plus maternante/paternante. Chez certains couples, cela ne posera pas de problème, mais pour d’autres, le désir sexuel sera transformé par cette nouvelle répartition des rôles, le corps de la personne malade perdant sa fonction charnelle. 

"L'idéal est en effet de pouvoir s'occuper du corps de l'autre de façon amoureuse", explique Michèle Guimelchain-Bonnet. “La toilette est un soin technique, il y a des questions de portage, de manutention de la personne, d’hygiène… Des personnes sont formées à cela". Déléguer ces tâches à quelqu’un d’autre (proche, professionnel) pourra permettre de préserver l’intimité et de lier sexualité et handicap. Il ne faut pas hésiter à se renseigner sur les différentes aides qui existent et ne pas culpabiliser sur ce besoin de passer la main. 

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Participer aux groupes de paroles d’aide aux aidants 

L'important est de conserver autant que possible la communication au sein du couple. Parler de sexualité et cancer ne doit pas être un tabou. Dire que c'est dur, s'autoriser à expliquer ce qui ne va pas. Et si on ne peut pas se parler, ne pas hésiter à solliciter l'équipe médicale. Passer alors par l’équipe des médecins, des infirmiers, est une bonne alternative. Le conjoint a le droit d’être pleinement pris en compte par les équipes médicales dans ses questionnements et le désir sexuel ou son absence ne sont pas des questions futiles. Aujourd’hui, les équipes médicales tiennent compte de cette dimension de la vie intime et si ce n’est pas le cas, il ne faut pas hésiter à exprimer le besoin de l’aborder.

La santé ne consiste pas uniquement en l'absence de maladie, de dysfonction ou d'infirmité. Pour Sébastien Landry un "temps d'écoute" est indispensable à mettre en place. Une position que partage Michèle Guimelchain Bonnet. “Avoir un tiers permet parfois de mieux verbaliser les difficultés et d’exprimer les choses plus facilement. Ce temps d’écoute ne passe pas forcément par le recours à un professionnel : des groupes de paroles d’aide aux aidants existent et permettent d'échanger avec d'autres conjoints "les personnes malades aiment bien parfois être entre malades, car ils échangent avec des gens qui vivent la même chose. Mais c'est pareil pour le conjoint ! Faire partie d’un réseau d’entraide d’aidants, pouvoir dire que c’est dur au quotidien, s’autoriser à énoncer que ça ne va pas, c'est utile.” 

Chimiothérapie, effets secondaires et vie de couple  

La question des effets secondaires des traitements mérite également d’être abordée. Ainsi, par exemple, les chimiothérapies impliquent des sécheresses vaginales, donc des rapports qui peuvent être douloureux et entraîner à terme moins de rapports sexuels, l’un ayant mal, l’autre ayant la sensation de faire mal. Des solutions existent et il est intéressant d’aborder le sujet avec l’équipe médicale qui pourra être amenée à réajuster le traitement ou à proposer simplement l’usage d’un lubrifiant. 

Couple et cancer : réapprivoiser le corps de l’autre 

"Il faut se laisser du temps. Toujours en se demandant de quoi on a envie, détaille Michèle Guimelchain-Bonnet. Souvent, le valide va vouloir adopter les mêmes gestes qu’avant la maladie. Cela peut convenir à la personne malade ou pas. Et être vécu de façon très intrusive. Demander : je voudrais t’aider, comment puis-je le faire ?” 

Dans tous les cas, il est important de garder le contact physique avec l'autre. "Il faut de la tendresse. Envisager la sexualité de façon globale : la sensualité, se tenir la main, regarder la télévision dans les bras l’un de l’autre, manger en tête-à-tête, se rappeler la rencontre. Généralement, vous n’êtes pas passés directement au lit, il y a eu un échange, une phase de séduction. Il faut apprendre à redécouvrir ce nouveau corps qui va avec cette nouvelle personne qui est votre conjoint", conclut Sébastien Landry. 

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Ici, Ma Boussole Aidants prend un parti assez différent : celui de s’attacher à ce qu’il est possible de faire, pour s’organiser et fonctionner au quotidien avec son proche, pour se comprendre et communiquer. Les déficiences sont un fait, mais leurs conséquences peuvent parfois être atténuées par de petites stratégies notamment en lien avec l’environnement matériel et social.

Tout en gardant à l’esprit que les situations sont très différentes d’une personne à l’autre, et qu’il n’y a pas une seule bonne façon de faire, Ma Boussole vous propose ici des articles et des témoignages pour vous aider à mieux comprendre ce qui se joue à différents moments clé généralement rencontrés quand on accompagne un proche malade ou en situation de handicap. Quand c’est le cas, ils pourront aussi vous aiguiller sur ces comportements au quotidien qui peuvent faciliter certaines situations.